Un été sans fin à Ahipara

J’arrive à Ahipara le dimanche aux alentours de 16 heures. Tushar m’avait conseillé une petite auberge dans cette petite ville, posée face à la mer de Tasman. Les quelques âmes qui y vivent ont leur maison tournée vers la mer. Le vent qui vient d’au loin, le parfum de la mer, le tumulte des vagues qui se cassent sur l’immense plage de sable qui s’étend à l’horizon. Je suis accueilli par Anna. La cinquantaine, les cheveux blonds qui balancent vers le blanc, les yeux bleus qui rappellent la mer, la voix douce, et le sourire lumineux. Elle me rappelle ma maman. Anna vit ici, et accueille ses invités comme si elle les connaissait déjà. Je me sens comme chez moi. La maison est d’un charme fou : ancien bureau de poste, construit dans les années 1870, la décoration est champêtre et soignée. C’est si agréable d’être ici. J’en profite tous les jours.

Chaque matin, je prends mon petit-déjeuner dans le jardin devant la maison, face à la mer. Le bruit des vagues pour seule musique, qui me berce quand je me couche et qui me choye lorsque la lumière du soleil inonde la chambre au petit matin. Je mange assis sur cette petite table en bois, entouré par des arbres qui composent de jolis massifs. Je me pose ensuite en plein soleil, sur un transat, toujours à écouter la mer et le chant des oiseaux. Anna revient avec Melly, sa chienne noire et blanche, toute mouillée après s’être amusée dans la mer, et qui se secoue juste à côté de moi. Je rentre ensuite dans la maison. Je monte les petites marches qui mènent à la petite terrasse abritée où trônent deux chaises longues avec vue sur la mer. Je me déchausse avant de rentrer dans la maison. Je traverse le couloir d’entrée, bois de kauri au sol couvert par un long tapis qui s’étire dans toute la longueur du couloir, des murs parés en partie de bois et ornés d’une petite tapisserie aux motifs blancs et bleus. Je traverse la cuisine, tout au bout du couloir, pour rejoindre la terrasse en bois, bercée par l’ombre d’une vaste vigne qui forme un toit de feuillage. Au centre, une grande table en bois y repose. Je m’y pose des heures pour écrire mon blog. Quand la nuit tombe, la petite guirlande éclaire la terrasse d’un parfum de douces soirées d’été. On discute avec Markus, la cinquantaine, venu d’Allemagne, qui avait choisi de changer d’horizon après avoir été licencié, en quête d’un souffle nouveau. On se régale des crêpes d’Annaëlle et de Daniel. On se saoule de la douceur de la vie, de ces soirées dont on se souviendra à jamais.

Dans cette maison, j’adore le parquet en kauri, ce petit bruit du parquet qui travaille quand on marche. Tout est si poétique. Les murs, la lumière du soleil qui pénètre, les courants d’air, le bruit des vagues. J’aime me poser un peu partout et sentir la maison raconter son histoire, sentir son cœur battre. Ces rires, ces gens qui discutent, le bruit des casseroles dans la cuisine, ceux qui profitent du soleil dehors sur les transats, l’horizon au loin. Un après-midi, le soleil se cache derrière les nuages, personne sur la plage, mais je me décide à me baigner. L’eau est froide, les vagues fortes, mais quel bonheur. À partir de mercredi, la pluie ne cesse plus de tomber pendant trois jours. Trois jours où l’eau coule sans s’arrêter du ciel. Pas une seconde de répit. Des jours, des heures, des minutes où la pluie ne cesse pas. On s’occupe dans cette maison. Allongé dans ma chambre, je regarde des documentaires, bercé par l’atmosphère du lieu : les lits en bois, deux grandes fenêtres à carreaux qui laissent entrer la lumière, des murs aux teintes rosées, surmontés de moulures délicates. Le plafond s’élève haut, majestueux, et une cheminée superbe trône comme un vestige d’élégance. J’aime préparer de simples salades grecques, des pâtes à la sauce tomate, ou ma purée de butternut dans cette cuisine au charme rustique, où les meubles et la grande table en bois racontent le temps. À travers les fenêtres à carreaux, le regard glisse vers la terrasse abritée par la vigne sur laquelle la pluie ne cesse de tomber. La musique habille la pièce d’une douce mélancolie, comme un voile flottant au son de Knockin' on Heaven’s Door des Guns N’ Roses.

Ce que j’aurais adoré cette semaine-là, c’est les gens que j’ai rencontrés. Daniel et Annaëlle faisaient leur wwoofing dans l’auberge. Annaëlle, originaire de Normandie, avait fait un BTS tourisme à Lille, dans un lycée où j’avais fait mon stage l’année dernière (comme quoi le monde est petit). Elle était d’abord restée à Wellington avant de venir faire son wwoofing ici. Daniel, qui fêtait son vingt-neuvième anniversaire ce mardi-là, avait fait plein de wwoofing dans tout le pays. Il passait sa dernière semaine ici avant de rentrer à Hambourg. Ce sont les plus belles rencontres que j’ai faites jusqu’à présent dans mes road-trips. Dans le salon, on jouait au Uno, dans la cuisine on jouait au memory et on passait du bon temps à manger des pâtisseries et autres délicatesses préparées par Daniel. Il y avait aussi d’autres gens, on discutait autour d’un repas, on se serrait autour de la petite table de la cuisine. Dehors, la pluie tombait encore, rendant l’intérieur d’autant plus doux. Le jeudi, on est partis prendre un goûter dans un café à Kaitia, à lire les horoscopes même si Daniel n’y comprenait rien. Le vendredi, il pleuvait encore quand on s’est décidé à se baigner dans la mer. Il y avait du vent, le ciel était gris, il faisait froid, mais qu’est-ce que c’était bien. Une dernière soirée à profiter avant que tout cela ne soit plus qu’un souvenir. Le matin, je me réveille : le bruit des vagues, la pluie arrêtée, les nuages dissipés. Dans ce ciel bleu, les images dispersées dans la mémoire d’une semaine d’un été sans fin.

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