Sauvage côte ouest
Ce samedi matin, j’ai rendez-vous à 6 heures, juste en face de l’auberge. Il fait encore bien nuit. Je sors en maillot de bain avec ma serviette, direction le sauna. C’est un jeune couple de la région qui tient ce petit espace de bien-être mobile, qu’ils installent tous les week-ends face à la mer à Ahipara. Je rentre dans le sauna, il fait bien chaud. Quatre autres femmes y rentrent après moi, semble-t-il des habituées. À travers la fenêtre, on voit progressivement le jour se lever. Les quelques nuages qui trahissent le ciel bleu se parent d’un rose délicat. Au bout de quinze minutes, je sors du sauna pour aller me jeter dans l’eau froide de la mer. Ça fait du bien. Je répète ces allers-retours du sauna à la mer trois fois, tandis que le soleil s’élève peu à peu, inondant de lumière cette journée qui commence à peine.
Je suis paisible, prêt à reprendre la route. Je dis au revoir à Daniel et Annaëlle. Le moteur de ma voiture vrombit à nouveau ; il était temps de repartir. La côte ouest est beaucoup moins habitée que la côte est. Seules quelques maisons par-ci par-là, au milieu des champs ou cachées dans la forêt. Les prairies sont d’un vert chatoyant. Sans doute les trois jours de pluie y sont pour quelque chose, mais ce ciel bleu, ce soleil et cette chaleur me les font oublier. J’arrive à l’embarcadère pour prendre le ferry. J’attends tranquillement sous le soleil, puis on le voit arriver. Tout le monde remonte dans la voiture, et on embarque. Autour, ces petites collines couvertes de forêt. L’eau de ce bras de mer, l’Hokianga Harbour, s’étire paresseusement, troublée par la vase. La traversée est rapide, un peu moins d’un quart d’heure. On débarque à Rawene. La suite de la route est aussi paisible. La route qui s’élève dévoile les paysages de champs verts sous un nouvel angle, comme si chaque virage offrait une manière inédite de les contempler. Je m’arrête à Opononi pour manger, entouré de guêpes. De l’autre côté du bras de mer, la forêt fait face à d’immenses dunes, tandis qu’au loin, la mer s’étire à perte de vue.
La route grimpe doucement. En bas, les champs s’étendent, secs et dorés sous le soleil. Puis, d’un coup, les arbres entourent la route. J’entre dans la forêt de Waipoua. La lumière change. L’air devient plus humide, plus frais. La végétation est dense. Les arbres serrent la route, les feuillages débordent presque sur le bitume. Un panneau annonce un kauri géant à quatre cents mètres. Je m’arrête. Je nettoie mes chaussures comme demandé, puis j’emprunte un petit sentier en bois qui s’enfonce dans la forêt. La forêt est magnifique. Partout, des fougères arborescentes, des palmiers nikau, des troncs larges et sombres. Les kauris sont les plus grands. Ils se dressent droits et hauts. Tout est vert, vivant, calme. Je me retourne, et je le vois : Tane Mahuta, le Seigneur de la Forêt. Immense, droit, silencieux. Il est là depuis plus de deux mille ans. Son tronc est énorme, sa présence impressionnante. Je reste là, à le regarder, sans rien dire. Tout autour semble tourner autour de lui. Il est le cœur de cet endroit. Je reprends la route pour aller voir Te Matua Ngahere, le Père de la Forêt. Cette fois, il faut marcher un peu plus. Le chemin est plus long, plus profond. À l’arrivée, il est là, encore plus large, comme posé au milieu de la forêt. Personne autour. Juste le bruit des feuilles dans le vent et quelques oiseaux. Son silence contraste avec sa taille. C’est ce calme d’un géant qui me captive.
Quelques kilomètres plus loin, la forêt s’ouvre. La mer apparaît sur la droite. Le paysage change, plus ouvert, plus cultivé. En fin de journée, je m’arrête à Baylys Beach. La plage est immense. Je regarde le soleil se coucher dans la mer de Tasman. Les oiseaux volent, les couleurs changent, la lumière baisse. Je dors dans ma voiture. Le lendemain matin, je repars vers Paihia. Je passe par le centre. Juste la route et la forêt. J’arrive à Paihia en début d’après-midi.