Couleurs du ciel à Castlepoint

Après avoir touché le point le plus au sud de l’île du Nord, je reprends la route vers Auckland en remontant par la côte est, la route où le soleil se lève. Juste après avoir quitté la capitale, je fais un arrêt à une galerie d’art recommandée par Antonio – enfin, ce n’était pas la bonne, j’ai confondu les villes de Lower Hutt et Upper Hutt, il faut dire que leur nom prête à confusion… Une exposition photo me mène sur les traces de Kupe, cet explorateur polynésien qui a découvert, entre le XIè et le XIVè siècle, un territoire nommé Aotearoa [la Nouvelle-Zélande]. Comme une analogie de mon propre voyage, où chaque pas me mène à découvrir un peu plus une terre inconnue. C’est pour cela que je reprends mon chemin. En pleine montagne, couverte de forêt, aux virages sinueux. Puis les cimes s’inclinent, cédant la place aux champs et aux vignobles, tandis que la route s’étire en une longue ligne droite.

J’arrive dans le petit village de Martinborough. La ligne droite qui m’y mène s’achève devant un square, place centrale de cette petite ville. Je me gare et file tout droit au supermarché me chercher de quoi manger. Je me pose sous les arbres de la place centrale. En face de moi, l’hôtel du village, avec sa façade en bois blanc au style des charmants bâtiments des villes rurales d’Amérique et d’Australie qui se sont enrichies avec l’agriculture. À Martinborough, ce sont les vignobles qui ont forgé la richesse de la ville. Dans ce petit village perdu au milieu des champs, sur aucun axe principal, je me sens bien. Je me promène un peu. Il n’y a rien à faire. Seuls les quelques bâtiments qui jouxtent l’hôtel ont le charme d’antan. Je me repose dans le square. La vie est tranquille, l’air chaud est allégé par l’air frais soufflé par les arbres. Les criquets, comme toujours, chantent la douceur de l’été. C’est comme si j’étais hors du temps.

Après m’être reposé, je me décide à rentrer dans le petit musée situé sur la place principale. Je rentre dans cette petite maison blanche au charme d’époque. Une gentille vieille dame, plongée dans son livre, m’accueille. J’en découvre un peu plus sur ce village fondé par M. John Martin, qui a eu la brillante idée d’établir ce village en suivant, comme plan, le drapeau du Royaume-Uni. Du square, centre du drapeau, s’étirent les rues qui rappellent les lignes de l’Union Jack. Au fur et à mesure de la visite, j’apprécie en savoir plus sur l’histoire de ce village dans ce musée qui sert de lieu de mémoire collective. Je repars heureux d’avoir découvert ce bel endroit.

À nouveau au milieu des champs, des vignes, posés sur des collines aux courbes légères. Puis des moutons sur d’immenses étendues. Plus loin, de grandes montagnes drapées de bleu se mêlent aux nuages, effleurant le ciel dans une étreinte éthérée. Je fais une pause. Je m’assois sur la table posée au bord de la route, sous un arbre, qui permet d’admirer ces grandes collines de champs et de forêt. Cette route ne mène qu’à Castlepoint et à d’autres tout petits villages situés avant lui. Sur les cinquante kilomètres de cette dernière ligne droite, rien : aucun commerce, supermarché, station-service. Je fais donc demi-tour pour me rendre dans la ville de Masterton et acheter de quoi manger, et surtout faire le plein… Le reste de la route jusqu’à Castlepoint s’étire au milieu des montagnes. Je sens que je m’enfonce loin de tout. Seulement deux kilomètres avant l’arrivée, la mer se dessine entre les montagnes. J’entre dans le village et traverse la ville sur la seule petite route, le long de laquelle les quelques maisons se sont installées face à la mer. Je vois le phare, posé sur son rocher empiétant sur le Pacifique.

Je me gare sur un parking protégé entre les dunes et la forêt, au bout de la route. Je marche vers l’océan. La plage est belle, embrassée par le rocher de Castle Rock, qui l'enlace et la garde comme un secret précieux. Les couleurs douces de la fin de journée, du soleil caché par le rocher, font vibrer la plage d’une douceur profonde. Comme si cette plage, retirée du monde, murmurait une chaleur intime, l’écho d’un amour profond, la douce puissance d’une étreinte. Un insondable goût d’éternité. Le murmure de la Terre résonne dans le bruit inébranlable des vagues de la mer, qui rappellent la beauté de la vie. Je sens mon cœur battre. Et des larmes coulent dans l’océan.

Après avoir atteint le rocher et m’être reposé au bout de la plage, loin de tout, je repars vers le phare. Des pêcheurs, posés sur le récif, tentent d’attraper des poissons. Le soleil commence à se coucher. Un voile rose enveloppe l’horizon. Le phare trône dans ce ciel aux magnifiques couleurs. Je monte le rocher pour contempler les magnifiques teintes du soir s’éteindre peu à peu. Vers les terres, du côté où le soleil se couche, les couleurs rose orangé s’assombrissent progressivement. Vers l’océan, l’immense Pacifique, les dernières lueurs laissent apercevoir les montagnes plonger dans l’eau. Je ne m’en lasse pas. Je reviens à ma voiture. Je me couche et vois les étoiles briller à travers la fenêtre.

Je me lève aux aurores pour voir le lever du soleil. Les étoiles disparaissent peu à peu. À l’horizon, le soleil sort de la mer. Un nouveau jour se lève. Les couleurs dorées réveillent la plage endormie. C’est dur d’être sur le rocher du phare, le vent souffle tellement fort. Je redescends pour m’abriter derrière le récif. Les mouettes dansent dans le vent et chantent. La mer s’agite. Le sable s’envole des dunes. Le soleil levé, le bleu s’étend dans le ciel. Entre le bleu clair du ciel et le bleu de la mer, à l’horizon, le froid de l’Antarctique. Dernières images. Puis partir. Et sentir à jamais ancrée au fond de moi la paix d’un lieu qui ouvre, au plus intime de l’âme, à l’éternité.

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