Entre la lumière de l’obscurité et du soleil

Mon objectif du jour est de partir pour New Plymouth, à cent quatre vingt trois kilomètres d’Otorohanga, où j’ai passé la nuit. Un immanquable sur mon chemin, les Waitomo Caves. Après plus de deux heures à raconter la journée de la veille en mangeant un toast à l’avocat et en buvant un cappuccino pour me réveiller d’une nuit difficile, je prends la route. Un peu d’essence, puis une vingtaine de kilomètres avant d’arriver à la grotte. J’achète mon ticket, mais je dois attendre une heure et demie avant de pouvoir visiter. Je prends mon déjeuner, je profite du soleil et - encore et toujours - du chant des criquets.

Quand vient mon tour, accompagné d’une vingtaine d’autres visiteurs, nous marchons une dizaine de mètres au milieu de la nature. Notre guide nous accueille avec une profonde gentillesse à l’entrée de la grotte. Dès l’entrée, la roche se sculpte d’elle-même, offrant aux regards des formes étranges et fascinantes. Les stalagmites s’élèvent du sol comme des colonnes millénaires, tandis que les stalactites descendent en donnant l’impression que le temps s’est figé. La grotte se déploie dans une immensité insoupçonnée, en s’élevant par endroits à une quinzaine de mètres de hauteur, prenant des allures de cathédrale. L’acoustique y est parfaite, aucun écho. Nous avançons plus profondément. Notre guide éteint la lumière. Dans l’obscurité, les vers luisants apparaissent. Accrochés au plafond, ils scintillent par milliers, tels des étoiles suspendues dans le néant. Leur éclat féerique compose une voûte céleste souterraine. Lorsque notre guide rallume la lumière, nous apercevons les fils délicats qu’ils tendent pour capturer leur nourriture. Une œuvre fragile et magnifique, un chef-d'œuvre de la nature.

Nous rebroussons chemin avant de descendre plus profondément. Le guide murmure : « Silence ». Dans un noir profond, nous embarquons sur la petite embarcation qui nous attend. Nous glissons doucement sur l’eau. L’obscurité est totale. Seules les lueurs bleutées des vers luisants révèlent les reliefs de la grotte. Le spectacle est envoûtant. On se laisse happer par cette féerie silencieuse, où chaque goutte qui tombe résonne comme une note cristalline dans cette symphonie souterraine. Le clapotis de l’eau, le murmure du bateau, l’air frais qui caresse la peau, l’odeur d’humidité qui emplit les poumons. Tout est là, dans une harmonie parfaite. On lève la tête, on contemple encore, on s’imprègne de cette beauté hors du temps. Puis, au détour d’un virage, nous sommes éblouis par une puissante lumière : c’est la lumière du soleil, la sortie de la grotte, la fin du voyage. Nous émergeons lentement, comme si nous quittions un rêve. Une visite suspendue entre ombre et lumière. Un petit goût d’éternité.*

Revenu sur la terre ferme, ébloui par la lumière du soleil, je reprends la route. Petites routes escarpées, collines dorées, moutons et vaches qui pâturent, fleurs sur le bas coté, je roule lentement, serpentant les reliefs la fenêtre ouverte. Je profite de la douceur de la route. Je rejoins ensuite la route nationale. Je ferme ma fenêtre. Les collines deviennent d’imposantes montagnes, les arbres et buissons grandissent en pins géants, le jaune de l’herbe sèche devient verte, plus arrosée par la pluie venant de la mer. Nous longeons la mer sans jamais la voir, toujours à flanc de falaise face à ces immenses reliefs. On est tantôt en plein soleil, tantôt protégés par l’ombre d’immenses fougères qui couvrent la route et nous apporte un peu de fraicheur. J’avance toujours lentement : pour profiter du paysage d’abord, mais aussi par prudence, parce que n’allez pas croire que les routes nationales néo-zélandaises sont comme en France, en ligne droite. Ici, on peut rouler jusqu’à cent kilomètres heure même sur une route escarpée. Je veux faire des pauses, mais la route est trop étroite et dangereuse pour cela. Arrivé près de ma destination finale, je marque enfin une pause à Urenui. J’achète une bouteille d’eau, je mourais de soif après avoir roulé pendant plus de trois heures sans avoir bu une goutte d’eau. Je m’avance vers la mer. Elle est en contrebas, l’eau est turquoise. Les petites maisons posées là, sur cette once de terre entourée par l’eau, semblent si paisibles. J’admire l’horizon debout sur un banc. Le vent frais caresse mon visage. Je reprends la route. J’arrive au bout d’une demi heure à mon hébergement pour la nuit. Je pensais dormir sur un lit, ce sera encore dans ma voiture. Mais cette fois, ce sera dans la nature, au milieu d’arbres et de fleurs. Une douche en prime. Et un bon plat de pâtes.

*pas de photo car on ne peut pas en prendre pour ne pas gêner les vers luisants.

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