Douce Waiheke
Plus que quelques jours avant de quitter Auckland pour découvrir (enfin) le reste de l’ile du nord. Avant de partir, il me restait encore une case à cocher sur ma liste de choses à visiter : à quelques kilomètres en bateau d’Auckland, l’ile de Waiheke. Réputée pour son microclimat méditerranéen qui permet aux vignes de l’ile de produire des vins des plus renommés du pays, Waiheke se distingue par sa gastronomie et sa douceur de vivre, faisant d’elle le point d’attache des plus fortunés d’Auckland, à la recherche de calme et de sérénité loin de la fureur de la ville.
Il est 8h45 sur le ponton du Downtown Terminal. Après un cappuccino et une chocolatine pour le petit-déjeuner pris sur le pouce en marchant vers le port, nous sommes prêts à embarquer avec Antonio. Cela faisait longtemps qu’il n’était pas allé à Waiheke, il s’était donc proposé de m’accompagner pour profiter de la douceur de l’ile. Nous embarquons et trouvons une place à l’avant du navire. La mer offre, comme à chaque fois, de nouvelles perspectives. Auckland, le Harbour Bridge, Rangitoto. La traversée dure quarante-cinq minutes, avec une mer un peu agitée ce matin-là. Située dans le golfe de Hauraki qui enserre Auckland, elle est l’une des plus éloignées des sept iles qu’il compte. Après de longues minutes loin des terres, les collines escarpées qui plongent dans la mer rompent l’horizon. Nous entrons dans la baie du port. Premières images : la baie, protégée par ces grands reliefs à la végétation abondante, la mer d’une couleur turquoise, les voiliers de part et d’autre du ferry. Nous débarquons. Nous choisissons de partir à pied pour une randonnée en direction du principal village de l’ile, Oneroa. Le sentier s’ouvre sur une plage minuscule, où les rochers s’avancent jusqu’à caresser l’écume. Tout autour, les arbres aux branches tortueuses dressent un enchevêtrement capricieux qui complique notre avancée. Un peu plus loin, nous nous arrêtons sur un banc. La chaleur est de plomb en ce matin ensoleillé, alors nous en profitons pour faire une pause.
Le sentier nous emporte tantôt dans une végétation opulente aux branches tortueuses et aux feuillages denses, tantôt dans de vastes clairières où le regard se perd dans l’éclat grandiose des paysages dévoilés sous un horizon sans limites. L’harmonie des couleurs est apaisante, ce jaune de l’herbe séchée par le soleil, ce vert d’une végétation foisonnante qui subit les affres du vent, ce gris des roches dévorées par la mer aux reflets turquoises. Une fresque de sérénité, où chaque détail compose une harmonie douce et envoûtante. Le chant des criquets ramène notre esprit sur terre quand notre regard se perd dans l’horizon. Pendant que nous marchions, certains s’amusaient d’ailleurs à me sauter dessus. Sans doute l’écrasante chaleur du soleil les perturbait autant qu’elle nous épuisait. Après avoir arpenté les sentiers à flanc de falaise, montant et descendant au gré du relief, nous avons trouvé un banc à l’ombre d’un arbre bienveillant. Face à la beauté du paysage et à la sérénité de l’arbre, nous sommes restés là, émerveillés, plus d’une heure.
Nous reprenons le chemin. Cela fait trois heures que nous sommes arrivés sur l’ile et nous devions avoir atteints le village depuis plus d’une heure et demie… Au pas plus élancé, un peu affamés, nous finissons par arriver à Oneroa. Petit village à la plage immense. Cinq personnes profitent de l’immensité de la plage, sur laquelle nous irons plus tard. Nous nous attablons à un restaurant italien recommandé par un guide de voyage. L’ambiance est bohème. La pizza est un régal, les cannoli de Sicile, légers et fondants, achèvent le repas sur une note sucrée. Nous rejoignons la plage du village à deux minutes à pied du restaurant. Installés sur l’herbe non loin d’un arbre, seuls quelques pas brisés par la mer, deux ou trois âmes solitaires, se mêlent à l'immensité de la plage au sable gris. On se sent seuls au monde. Ce grand silence est d’une tranquillité qui défie le temps. C’est drôle d’être là, si loin de chez soi. Perdu avec un ami que je ne connaissais même pas un mois auparavant. Assis, à regarder l’horizon à la fois si étranger et pourtant si familier. C’est cette curieuse sensation qui m’envahit depuis mon arrivée en Nouvelle-Zélande. De me sentir chez moi dans un pays où je n’ai jamais mis les pieds, à la culture si différente, aux paysages si dissemblables, à la langue étrangère, où je ne connais personne. Mes questions se dissipent dans l’eau chaude du Pacifique. Au loin, l’ile de la Grande Barrière s’impose dans l’infini de l’océan, comme un autre monde. Nous trempons seulement nos pieds, nous voulons reprendre le ferry de 17h. Une glace, et nous embarquons pour retourner dans le bouillonnement de la ville.