Glenorchy, au fin fond des Alpes
Cela fait plus d’un mois que je suis à Queenstown, et avec ma recherche de travail, je n’ai pas encore découvert les bords du lac Wakatipu. Long de quatre-vingts kilomètres, en forme de « N », cerné par les Alpes du Sud, le lac serait né, selon la légende, de l’incendie provoqué par la graisse du corps du géant Matau, un incendie si intense qu’il creusa un trou de quatre cents mètres de profondeur, rempli ensuite par la neige fondue des montagnes. Le lac est désormais bien paisible. Ce matin-là, je pars pour Glenorchy, petit village tout au nord du lac. La route ne mène à rien d’autre qu’à cette minuscule localité. Je prends la route sous les coups de 11 heures. Il fait beau. La route longe le bord du lac, avant de prendre de la hauteur pour offrir un panorama magnifique sur cette vaste étendue d’eau.
Je marque un premier arrêt sur la petite plage de Wilson Bay. C’est une nouvelle partie du lac que je découvre, loin de l’agitation de Queenstown. Après une nouvelle pause à Bob’s Cove, la route serpente entre les virages. Je traverse de grandes forêts de sapins au vert profond. La partie nord du lac s’étend progressivement à l’horizon. En face, des montagnes désertes, immenses rochers posés là et couverts d’herbes et de tussack, ferment le lac. Chaque panorama est une invitation à la contemplation, tant ils sont saisissants. Il paraît que la route de Queenstown à Glenorchy est l’une des plus belles du pays ; je n’en doute pas. Je décide de profiter de cette vue. Je gravis le petit chemin qui mène au point de vue. Au loin s’étendent des îles, là-bas le bout du lac s’étire, coupé par ces chaînes de montagnes aux sommets enneigés, et à l’horizon, l’impressionnant mont Alfred est posé au milieu de la petite vallée encerclée par les montagnes. Le ciel change si rapidement ici. En quelques instants, le ciel se couvre et les nuages bas transforment le paysage. Ces teintes sombres confèrent une atmosphère mystique. Le lac se raconte différemment, il devient plus mystérieux. La route continue ensuite à surplomber le lac. Incroyables paysages.
Peu avant d’arriver à Glenorchy, des moutons pâturent, et un peu plus loin, des vaches. J’entre dans le village. Glenorchy, c’est un peu comme ces villages du Grand Nord, des petites maisons colorées faites de planches de bois. Il y en a des rouges, des marrons, des noires. Les rues sont larges, les maisons espacées, et il y a des petits commerces. Je me gare proche du lac pour prendre mon pique-nique. Je m’avance sur la petite jetée d’où je regarde le lac s’étirer vers le sud. Ici, le bruit des vaguelettes du lac, le chant des oiseaux, le craquement des branches sur lesquelles se posent les volatiles. Je me laisse guider par les sentiers qui serpentent une zone marécageuse. Les arbres sont endormis par l’hiver. Les montagnes sont enneigées. Le calme règne. C’est aussi ça qui fait la beauté des paysages. Ce silence qui résonne dans ces grands espaces donne une profondeur à ces lieux, il les sublime, en leur donnant l’espace de raconter leur vastitude. Je m’assois sur un banc posé au bord de l’eau, face aux montagnes. Le soleil est éblouissant. Je me remplis de cette sérénité qui retentit dans le creux des montagnes.
Vers 16 heures, je reprends la route pour rentrer à Queenstown. Les paysages sont toujours aussi splendides. Je m’arrête à nouveau au point de vue où je me suis arrêté à l’aller pour profiter des couleurs du soleil couchant. Il s’endort là-bas, derrière ces montagnes enneigées. Là-bas, l’infini. Là-bas, derrière ces montagnes figées dans un silence qui résonne comme un cri d’éternité, le soleil qui s’éteint murmure au contraire le passage du temps. Cette peinture éphémère, où le jaune brûlant du ciel se heurte au bleu glacé des montagnes et du lac, raconte, paradoxalement, la beauté de l’éternité.